samedi 8 mai 2010

Au TCE, La Calisto dans le tunnel

Fragilité de certaines œuvres. N’importe où, n’importe comment, Carmen ou Don Giovanni résistent. La Calisto, non. Ce curieux « dramma per musica », composé à Venise en 1651 par Cavalli, le plus adulé des successeurs de Monteverdi, a connu deux résurrections, après trois siècles de coma dépassé. A Glyndebourne d’abord (1970), où le public smart s’est reconnu dans cet univers où tout est libido sous des allures gracieuses, à Bruxelles ensuite (1993), où Herbert Wernicke (mise en scène) et René Jacobs (direction) ont projeté dans les étoiles l’histoire de la nymphe transformée en constellation. De Glyndebourne, l’œuvre a tiré la réputation d’être « irrésistible de drôlerie » (grâce, en particulier, au ténor Hugues Cuénod en travesti paillard), de Bruxelles celle d’être une source intarissable d’invention dramatico-musicale. Au Théâtre des Champs-Elysées, où Macha Makeïeff (mise en scène) et Christophe Rousset (direction) s’y attellent aujourd’hui, on ne voit qu’une interminable antiquité. Que s’est-il passé ? Rien, justement. La musique est belle, sensuelle, fort bien interprétée (Rousset est impeccable, Lawrence Zazzo, Sophie Karthäuser, Véronique Gens irréprochables), l’histoire est toujours aussi (dé)culottée, et le spectacle évite la vulgarité. Mais voilà, il n’y a pas la grâce. Et dire que le miracle de Bruxelles a été vu partout, sauf à Paris ! Il a au moins été filmé (DVD Harmonia Mundi), mais la mise en boite l’a un peu émoussé. La Calisto (qui veut dire la Belle, en grec) est-elle repartie pour un long sommeil ?

François Lafon


Au Théâtre des Champs-Elysées, Paris, les 9, 11 et 14 mai.

Crédit photo : Alvaro Yanez

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