vendredi 14 mai 2010

L’opéra tue : John Malkovich en sait quelque chose

Vertu du hasard ? A ma droite, une reprise des Contes d’Hoffmann d’Offenbach à l’Opéra Bastille, dans la mise en scène intelligente de Robert Carsen : un théâtre (où l’on joue … Don Giovanni), une cantatrice protéiforme, un poète qui se détruit à vouloir tenter le diable et vivre les passions des simples mortels. Public bon enfant, assez « opéra comique à l’ancienne », qui fait un triomphe au ténor Giuseppe Filianoti, très convaincant dans le rôle casse-voix d’Hoffmann, et à Laura Aikin en Poupée nymphomane imaginée par Carsen pour Natalie Dessay, vedette du spectacle lors de sa création en 2000.
A ma gauche, The Infernal Comedy, Confessions d’un serial killer au Palais Garnier. Représentation unique (c’est une tournée mondiale), public chic et international pour John Malkovich jouant Jack Unterweger, un tueur de femmes doué pour l’écriture et stimulé à son corps défendant (si l’on peut dire) par la voix des cantatrices. Pour assouvir ses fantasmes, un orchestre (le Wiener Akademie, élégamment dirigé par Martin Haselböck) et deux divas chantant (fort joliment) Vivaldi, Haydn, Mozart, Gluck et Weber : Aleksandra Zamojska et Bernarda Bobro. Dans les deux spectacles, les charmes délétères d’Eros et de Thanatos à travers la voix féminine sont en question. John Malkovich, illusionniste de haut vol en grand ordonnateur des pompes (funèbres) opératiques, ferait - s’il était chanteur - un Hoffmann formidable, si ce n’est que sa voix, même avec l’accent autrichien qu’il prend pour incarner Unterweger, est toute de menace et d’insinuation, à l’exact opposé du ténor claironnant imaginé par Offenbach. Dans un cas comme dans l’autre, et pour reprendre le thème mis à la mode par Catherine Clément dans les années 1980, l’opéra est la défaite des femmes, mais elle n’est pas moins celle des hommes.

François Lafon

Offenbach : Les Contes d’Hoffmann. Robert Carsen (mise en scène), Jesus Lopez-Cobos (direction). A l’Opéra National de Paris – Bastille, les 17, 20, 23, 26, 29 mai, 1er, 3 juin.
The Infernal Comedy. Théâtre musical de Michael Sturmiger et Martin Haselböck. Paris, Palais Garnier (13 mai)
Catherine Clément : L’opéra ou la défaite des femmes – Grasset (1979)

Crédit photo : Opéra national de Paris/ Frédérique Toulet - The Infernal comedy/ Nathalie Bauer

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