mercredi 19 mai 2010

Magdalena ou la subversion masquée

Dans un monde qui se targue de n’avoir rien à cacher, la fiction n’a plus rien à révéler. Du coup, au théâtre et à l’opéra, on essaye de montrer ce que l’auteur lui-même est incapable d’expliquer. Cela donne le Regietheater (voir Le Cabinet de Curiosités). De là à regretter le temps où les idées devaient avancer masquées… Prenez Magdalena, de'Heitor Villa-Lobos, que le Châtelet exhume en conclusion d’une saison plutôt réussie consacrée à la comédie musicale américaine. « L’Amazonie à Broadway » dit l’affiche. Kesako ? Et Magdalena, qui est-ce ? Et cette histoire qui se passe en Colombie, où dictateurs et exploités, dieux anciens et Madone dans sa châsse, musique savante et rythmes populaires se font une guerre d’opérette ? A première vue, on se croirait revenus au Châtelet de papa, avec ballets ringards et couleurs criardes. Mais que faut-il prendre pour agent comptant dans tout cela ? Quand cette Magdalena (qui est le nom d’une rivière) a été créée à Broadway en 1948, dans une mise en scène de Jules Dassin, on s’est très sérieusement demandé si Villa-Lobos, se moquait de la musique américaine, ou si l’auteur des Bachianas Brasileiras et des Chôros, le compositeur aux mille opus qui disait : « le folklore, c’est moi », se parodiait lui-même. Sous ses airs d’opérette exotique, Magdalena, dont le sous-titre est « A musical adventure », est peut-être plus subversif que toutes les Regietheater à la mode. C’est apparemment ainsi que l’ont conçu le metteur en scène Kate Whoriskey, star du théâtre branché américain, et le jeune chef français Sébastien Rouland. Que Magdalena ne soit pas le chef-d’œuvre de son auteur, que le public n’en sifflote pas les airs à la sortie n’y change pas grand-chose.
François Lafon


Au Châtelet, Paris, les 19 20, 21, 22 mai.

Crédit photo : © Marie-Noëlle Robert - Théâtre du Châtelet

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