mercredi 28 avril 2010

A Lyon, le supporteurs de l'OL au rythme de Dvorak

0-3 : le Bayern de Munich a donc éliminé l’Olympique Lyonnais en Ligue de Champions. Vu à la télé, le spectacle était superbe (du côté allemand au moins), surtout qu’il y avait de quoi attirer l’oreille. Non pas le flot de commentaires souvent superflus des chroniqueurs de TF1, mais plutôt le chant des supporteurs lyonnais (à moins que ce ne soit pas des munichois… ) qui encourageaient son équipe en reprenant à chœur le thème du dernier mouvement de la Symphonie du Nouveau Monde de Dvorak. Faut-il voir l’influence de l’Orchestre National de Lyon qui proposait encore cette saison d’acheter pour le même prix une place de concert et un billet pour un match de l’OL ? En tout cas, l’amour du foot n’est pas incompatible avec l’amour de la musique : Chostakovitch se passionnait par exemple pour le ballon rond. Les abonnés du Real Madrid, eux, peuvent se joindre avant chaque match au stade Santiago Bernabeu à la voix de Plácido Domingo, qui a enregistré l’hymne du club. Côté frisson musical, les champions du monde sont les supporteurs du Liverpool : impossible de ne pas frémir en les entendant chanter « You’ll never walk alone » au début de chaque match à Anfield. Et dire qu’il s’agit à l’origine un morceau d’une comédie musicale de Rodgers et Hammerstein…
Pablo Galonce

mardi 27 avril 2010

Barbara Rosenkranz doute-t-elle de Wagner ?

Tout pour plaire, Barbara Rosenkranz, alias « la Mère du Reich », candidate du Parti de la liberté (FPÖ) aux élections présidentielles autrichiennes du 25 avril ! En fait de liberté, le parti en question appelle à la chasse aux Turcs, aux Tchétchènes, aux Asiatiques, aux Tziganes et aux nègres, c'est-à-dire à peu près à tout le monde sauf aux bons Autrichiens 100% aryens, et réclame un assouplissement de la loi de 1947 interdisant l’apologie du nazisme. Forte des 27% de suffrages remportés en compagnie du BZÖ (le parti du défunt Jörg Haider) aux élections législatives de 2008, la dame a cette fois subi un échec en ne remportant que 15,62% des voix, loin derrière le sortant social-démocrate Heinz Fischer (78,94%). Avec son époux Horst Jakob, co-fondateur du parti NPD (aujourd’hui interdit) et directeur de la revue négationniste Fakten, Barbara Rosenkranz - dont la parenté avec Christian Rosenkreutz (1378 ? -1484 ?), fondateur de l’ordre de la Rose-Croix, n’est pas avérée - a eu dix enfants, six filles et quatre fils, pourtant les noms de Hedda, Horst, Arne, Mechthild, Hildrun, Volker, Sonnhild, Alwine, Ute et Wolf. On ne l’imaginait pas prénommant ses rejetons Rachel ou Mohamed, mais on peut s’étonner qu’aucun d’entre eux ne soit voué à Wagner, si ce n’est, peut-être, Hedda - diminutif d’Edwige, mère d’Elisabeth de Hongrie, héroïne de Tannhäuser, - et Wolf, autre dénomination de Wotan avant d’être le surnom d’Adolf Hitler. Mais il est vrai que certains soupçonnent l’auteur de Siegfried d’avoir des origines juives.
François Lafon

lundi 26 avril 2010

A la Cité de la Musique, les affaires classiques continuent

Vous ne trouverez aucun article dans la presse sur la rencontre qui vient de se tenir à la Cité de la Musique de Paris et pour cause : les journalistes n’y étaient pas les bienvenus. Pourtant, de cette réunion sortiront les affiches des prochaines saisons des grands orchestres et salles de concert du monde. C’est la conférence annuelle (exclusivement réservée aux professionnels, bien entendu) de l’IAMA. Derrière cet acronyme anglais se cache l’International Artist Manager's Association, en bon français l’association internationale d’agents artistiques classiques. Pendant quelques jours donc, cette confrérie très fermée qui négocie au nom de chefs, chanteurs et solistes, rencontre les responsables de programmation des orchestres pour essayer de leur vendre leurs artistes. Rien à signaler donc, sauf que la filière a dernièrement connu quelques soubresauts : quand Gustavo Dudamel a quitté Askonas Holt, son agence de toujours, pour rejoindre Van Walsum (dirigée par par un ancien d’Askonas, Stephen Wright), cela a provoqué un véritable tremblement de terre. Mais c’est rare que les agents classiques soient ainsi mis en lumière : le mélomane ne se soucie pas d’ailleurs du contrat de Simon Rattle ou Anna Netrebko, alors que les cachets des stars du cinéma ou de la pop font la une de magazines, pour ne rien dire des salaires des footballeurs.
C’est un monde où l’on parle surtout l’anglais : les agences britanniques tels que Harrison Parrott, IMG Artists, Askonas Holt, Hazard Chase et américaines comme CAMI font la pluie et le beau temps dans le monde classique face à quelques poids lourds allemands (Konzertdirektion Schmid) et même français (Valmalete, Jacques Thelen). Mais l’avenir se prépare peut-être déjà : les agences chinoises pointent du nez quand ce ne sont pas les agences occidentales qui s’installent en Chine. Le pays au trente millions de pianistes sera demain le premier exportateur de talents musicaux.
Pablo  Galonce

vendredi 23 avril 2010

Dans les Emirats, orchestre cherche fortune

Le UAE Philharmonic Orchestra crie famine. UAE désignant en anglais les Emirats Arabes Unis, on peut s’étonner. Mais il s’agit d’une entreprise privée, et c’est là qu’apparaît l’aspect Tintin de l’aventure. Le créateur de l’UAE Philharmonic s’appelle Philipp Maier. Il est allemand, pianiste, chef d’orchestre, jazzman, showman et virtuose du cross over, mais aussi pilote d’avion pour la Lufthansa. C’est en survolant l’Atlantique qu’il a l’idée, en 2005, de faire résonner la grande musique occidentale entre les tours géantes de Dubaï. Un an après, l’UAE Philharmonic (soixante-dix musiciens) donne son premier concert au Mall of the Emirates. La même année, il participe à l’ouverture en grande pompe du Westin Hotel et à la saison symphonique de l’Emirates Palace hotel. En 2008, l’orchestre, qui vit de commandes et de donations, est invité au Al Ain Classics Festival. Succès, salles pleines, la Zayed University lui confie des ateliers, mais les autorités locales ne lèvent le petit doigt. Pas étonnant : Dubaï est au bord de la faillite, avec une dette de 13 milliards de dollars en 2010 et de 19,5 milliards en 2011. Prudent, Maier installe son orchestre à Abu Dhabi, capitale de la Fédération et garant de la stabilité financière des Emirats. Même déception : « Quand je vois les sommes consacrées à Classics Abu Dhabi ou au Festival d'Abou Dhabi, ça me bouleverse. Il y a beaucoup d'argent ici, mais il n’est pas pour nous. » Et d’ajouter : « Un pays comme les Émirats arabes unis devrait avoir son propre orchestre. » Sous-entendu : le nôtre. « Un budget annuel de dix millions de dollars suffirait à payer les musiciens à plein temps, ce qui permettrait de construire un répertoire et d’entreprendre un programme éducatif. » En attendant, l’UAE Philharmonic ne compte toujours pas de musiciens locaux dans ses rangs et reste une enclave occidentale dans une fédération qui en compte beaucoup. Question de qualité ? Peut-être. De rentabilité ? Sûrement. Comme diraient les Chinois (cinquante millions de pianistes en herbe) : « On est capitaliste ou on ne l’est pas. »
François Lafon

jeudi 22 avril 2010

L’Orchestre de Paris joue pour les enfants le Sacre du printemps

En pleine période de vacances scolaires, l’Orchestre de Paris a la bonne idée de proposer à la Salle Pleyel un concert pour les enfants à partir de 6 ans. Yutaka Sado retenu au Japon pour cause de nuage volcanique, c’est Michel Tabachnik qui dirige des extraits de deux ballets, Parade d’Erik Satie et le Sacre du printemps d’Igor Stravinsky. Au départ, le propos est un peu brouillon : pour comparer la manière dont les deux compositeurs utilisent le rythme, on mélange des extraits des deux œuvres, mais pas sûr que les enfants sachent très bien faire la différence. D'autant plus que Richard McNicol, l’animateur de cette matinée, s’exprime dans un français avec un fort accent anglais, et ses explications ne passent pas toujours très bien. Mais il rétablit vite la situation car il a du métier : pendant des années, il a été le patron des projets éducatifs du Symphonique de Londres, sans doute la formation qui fait le plus dans ce domaine, et il a collaboré avec l’Orchestre Philharmonique de Berlin et Simon Rattle pour le même type de démarche. En virtuose de la pédagogie pour les enfants, il trouve donc bientôt le ton : un peu cabot, il fait deux ou trois blagues, s’attire la sympathie du public en lui demandant de taper dans les mains pour lui faire comprendre les rythmes endiablés de la « Danse sacrale » et son accent anglais finit par le rendre encore plus attachant. A la fin, les parents ont l’air presque plus ravi que les enfants qui, eux, ne se doutaient pas toujours qu’un orchestre pouvait faire autant de bruit.
Pablo Galonce
Paris, Salle Pleyel, le 22 avril.

mercredi 21 avril 2010

Lang Lang, roi du produit dérivé

Sacré Lang Lang! A lui seul, il console la Chine tout entière d’avoir été si longtemps privée des joies du capitalisme. Steinway, Adidas, Rolex, Audi le comptent parmi ses meilleurs VRP, avec tous les avantages que cela entraîne. Il est aussi, depuis 2008, président de la Montblanc Cultural Foundation, et vient, à ce titre, de contribuer aux célébrations du bicentenaire de Chopin en enregistrant un récital intitulé « Montblanc – Hommage à Frédéric Chopin », inclus dans le coffret d’un stylo de luxe. Si vous êtes un fan de l’artiste mais si votre compte en banque ne vous permet pas de vous offrir le joujou en question, vous pouvez le voir et l’entendre sur YouTube jouer l’Etude op. 10 n° 3. C’est le logo de Deutsche Grammophon qui figure sur les publicités du produit. Bientôt, ce sera celui de Sony, chez qui Lang Lang vient d’être transféré pour 3 millions de dollars, et avec qui il est déjà sous contrat pour diverses opérations commerciales.
François Lafon

L'Opéra du Rhin sur iPhone : n'éteignez pas vos portables, svp !


Ca bouge, du côte de l’Opéra du Rhin : pour la première fois en France, une maison lyrique a développé une application pour iPhone (une iPhone app pour les initiés). On pourra donc suivre depuis son téléphone toute l’actualité de cette institution avec un calendrier des représentations, des photos des spectacles et même, comble du raffinement, une billetterie en ligne. L’application, à télécharger ici via iTunes, est gratuite. Très hype ? Sans doute, mais pas autant peut-être que l’iPhone app de l’Opéra de Los Angeles dont la page d’accueil est enrichie avec la voix de Plácido Domingo, directeur de la maison. Ni aussi ludique que celle de l’English National Opera (ENO) qui pour faire la promotion de sa production du Grand Macabre, a créé un jeux à partir du prélude pour klaxons de voiture de cet opéra de Ligeti : vous pouvez vous amuser à jouer du klaxon et même envoyer votre composition à l’ENO.
Pablo Galonce

mardi 20 avril 2010

Christian Tetzlaff et Lisa Batiashvili : les riches heures du violon

Finie, l’époque des grands violonistes ? En musique, la nostalgie peut être une mauvaise conseillère. On regrette les Oïstrakh, Menuhin, Milstein et autres Grumiaux qui paraissent dans le souvenir tels des sommets inatteignables du siècle dernier, comme si notre époque était un plat désert. Pourtant, en deux soirs, à Paris, on a constaté que, loin de la pénurie, on vit une époque dorée pour le violon. A la Salle Pleyel, Christian Tetzlaff confirme ses goûts éclectiques en s’attaquant au Premier concerto pour violon de Karol Szymanoswski (qu’il vient d’enregistrer avec Pierre Boulez et le Philharmonique de Vienne). Malgré le jeune chef Jakub Hrusa, qui dirige le Philharmonique de Radio France avec le frein à main, le jeu du violoniste allemand est aérien, subtil, transparent, sans se laisser piéger par l’opulence très « fin de siècle » de la partition. C’est un vrai travail d’orfèvre : exquis, minutieux, impeccable.
Le lendemain, à la Cité de la Musique, la vedette est Lisa Batiashvili, révélée il y a quelques années grâce à un superbe Concerto pour violon de Sibelius enregistré avec Sakari Oramo, le chef de la soirée. Diaboliquement élégante, élancée, elle fait bien plus que s’en sortir de tous les pièges tendus par Prokofiev dans son Premier concerto pour violon : chaque note, chaque phrase est dite avec raffinement, chaque trait éblouit par sa justesse et sa précision. Et comme l’œuvre est trop courte, elle peut même enchaîner sur l’Introduction et rondo capricccioso de Saint-Saëns, page de pure exhibition qu’elle joue avec le même aplomb. Pas facile après pour l’Orchestre de chambre de l’Europe et Sakari Oramo de briller au même niveau, mais ils réussissent quand même une Troisième symphonie de Schumann pleine d’élan romantique.
Pablo Galonce
Paris, Salle Pleyel, le 16 avril (Christian Tetzlaff) et Cité de la Musique, le 17 avril 2010 (Lisa Batiashvilli).

Crédit photo : Giorgia Bertazzi/Mat Hennek

lundi 19 avril 2010

La raison ennemie de l’émotion ? Pas sûr !

« Il est plus utile de savoir faire du vélo que de savoir pourquoi il est possible de monter sur un vélo. En musique, c’est la même chose. » C’est le compositeur et théoricien américain Leonard Meyer qui le dit, et ses propos sont repris par Elizabeth Hellmuth Margulis, de l’Université d’Arkansas, dans la revue Psychology of music. La dame se demande s’il est utile de lire les notes de programme, ou d’écouter à la radio les explications du présentateur pour apprécier la musique. Pour étayer son argumentation, elle a d’abord fait écouter à seize musiciens vingt-quatre extraits des Quatuors à cordes de Beethoven. La moitié de ces extraits était précédée d’une explication dramatique (« L'ouverture évoque un chant profond»), l’autre d’un commentaire structurel (« Cette pièce commence sur un tempo lent, soutenu par des accords, etc. »). Les seize cobayes ont spontanément préféré les morceaux assortis du commentaire structurel. Concernant le public non averti, elle est plus radicale encore : « Quand on explique aux gens ce qu’ils vont entendre, ils font tellement d’efforts pour établir un lien entre la musique et son explication qu’ils n’arrivent plus à sentir les rapports subtils entre les notes, et donc à prendre du plaisir. » Pour finir, Mrs Margulis sauve tout de même du chômage les animateurs, journalistes et autres musicographes : « On peut cependant admettre, écrit-elle, que les notes de programmes concernant, par exemple, le compositeur et son environnement culturel soient plus propres à améliorer la jouissance de l’auditeur que les descriptions de la musique. C’est l’approche qu’adoptent le plus souvent les présentateurs de radio, qui nous entretiennent davantage des circonstances de la composition d’une œuvre que de ses spécificités. » Et comme elle est décidément très gentille, elle assure en conclusion que « même si les notes descriptives n'augmentent pas la jouissance de l’auditeur à court terme, elles peuvent le faire à long terme. » Moralité : ceux qui veulent nous faire croire que la connaissance nuit systématiquement à la sacro-sainte émotion n’ont pas forcément raison.

François Lafon

vendredi 16 avril 2010

Répons à la Cité de la Musique : deux fois, sinon rien !

Salle modulable de la Cité de la Musique, jeudi soir. L'expérience va débuter. Au centre, le plateau pour l’ensemble cordes-vents ; sur les balcons, en cercle, les instruments résonnants (deux pianos, une harpe, un cymbalum, un vibraphone et un xylophone) ; et puis l’électronique de l’IRCAM, contrôlée par quelques ordinateurs, qui modifie en temps réel les sons des instruments. Tout est prêt pour interpréter Répons, de Pierre Boulez. Mais avant que la musique commence, Susanna Mälkki, qui va diriger, indique la règle du jeu : l'œuvre n’est pas la même selon le point d’écoute choisi, donc l’Ensemble Intercontemporain la jouera deux fois, et, pendant la pause, chacun changera de place.
Version 1 : depuis un fauteuil du premier balcon, juste en face du chef, ce n’est pas seulement l’oreille qui est frappée, c’est aussi l’œil, attiré justement par ses gestes à la fois souples et millimétrés, à la manière d’un Boulez justement. En la regardant, Répons devient aussi fluide qu’un concerto de Mozart et avec ce guide visuel, on entre sans peine dans cette musique réputée difficile.
Version 2 : au premier rang du parterre, juste derrière le chef, on entend d’où, à deux mètres près, ce que Susana Mälkki entend. Vertige : de la dense introduction à la cascade finale d’arpèges, la musique, qui paraissait s’éparpiller pendant la première interprétation, devient plus dense, trois quarts d’heure soudain d’une complexité affolante. Pierre Boulez, lui, a suivi les deux interprétations depuis le même fauteuil, à la droite du plateau central. Depuis la création de l’œuvre dans les années 1980, la partition résonne toujours dans sa tête : fidèle à la conception du « work in progress », Répons est officiellement encore une page non terminée.
Pablo Galonce
Crédit photo : Aymeric Warmé-Janville