vendredi 30 avril 2010

Daniele Gatti dirige Mahler : le meilleur pour la fin

Pour diriger Mahler, il y a des chefs qui s’identifient au compositeur (Leonard Bernstein), d’autres qui souffrent avec lui (Klaus Tennstedt), d’autres encore qui s’attendrissent sur son sort (Bruno Walter). Il y en a qui soulignent chaque intention (Christoph Eschenbach), et d’autres, à l’opposé, qui s’attachent à restituer le souffle de la musique, sans chercher à expliquer le pourquoi du comment (Claudio Abbado). C’est apparemment cette dernière option qui est celle de Daniele Gatti dans la Troisième Symphonie qu’il vient de donner au Châtelet avec l’Orchestre National. Lors des deux premiers concerts de cette intégrale Mahler en trois saisons, l’émotion all’Abaddo n’est pas venue. Gatti a en particulier dirigé la « Résurrection », selon le mot de Pablo Galonce, « comme un agent de police règle la circulation ». C’est ce qui est arrivé dans le gigantesque premier mouvement de cette Troisième qui part de la nature inanimée pour, presque deux heures après, nous faire monter au ciel. Mise en place soignée, phrasés élégants, sens de la grande forme : on pense, encore une fois, à Abbado, mais l’essentiel n’est pas là. Idem pour le menuet et le scherzo qui suivent, idem pour le « Chant de minuit » sur le poème de Nietzche, gâté par une dame qui court après sa tessiture. Et puis, dans l’Adagio final, cet orchestre tiré au cordeau se met à vivre, le chef prend des risques et en sort vainqueur. Bon, il s’agit d’une des plus belles pages jamais composées pour l’orchestre. Mais il faut se méfier de Mahler : chef lui-même, et pas des moindres, il savait à quel point, pour ses semblables, la Roche Tarpéienne est proche du Capitole.
François Lafon
Prochains concert du cycle « Tout Mahler par Gatti » au Châtelet : 17 juin (Knaben Wunderhorn, Symphonie n° 4), 23 septembre (Kindertotenlieder, Symphonie n° 5)

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