mercredi 14 avril 2010

Lauritz Melchior et le thon rouge

Fin d’une ère : la Lauritz Melchior Heldentenor Foundation met la clé sous la porte, et lègue son fonds (1,1 milliards de dollars, tout de même) au Metropolitan Opera de New York. Moins grave que le refus du Japon d’arrêter la pêche au thon rouge ? Peut-être, mais un peu du même ordre. Melchior avait lui-même créé cette fondation en 1964, avec l’aide de la Juilliard School, dans le but de contribuer à la recherche et à la formation de heldentenoren (ténors héroïques) dans son genre, un genre déjà bien atteint à l’époque. L’entreprise était généreuse, mais un peu folle : il s’agissait d’arrêter le temps, de refuser d’admettre que le ténor wagnérien au souffle de forge et à la carcasse de géant était un spécimen en voie de disparition, que Wagner était désormais condamné à être chanté par des humains normaux (ou presque). Les responsables de la fondation, qui approchent aujourd’hui des quatre-vingt-dix ans, reconnaissent que depuis une dizaine d’années, ils n’ont travaillé qu’à perpétuer le souvenir du grand homme, à gérer sa discographie, à classer ses photos. Mais avant, du vivant de Melchior (disparu en 1973, deux jours avant ses quatre-vingt-trois ans) et durant cette fin de siècle, période de basses eaux pour le chant wagnérien ? La Fondation a couronné Dennis Heath, Ian DeNolfo et quelques autres, dont on n’a plus entendu parler. Il n’y a guère que William Cochran qui ait fait une petite carrière. « Si l’on n’agit pas, le Heldentenor va s’éteindre, comme l’oiseau dodo », disait Melchior. S’il avait su qu’un jour, les représentations seraient filmées, et que l’on demanderait à Tristan et à Siegfried d’avoir, en plus, le physique de l’emploi…
François Lafon

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