dimanche 11 avril 2010

Mignon à l’Opéra Comique : la nostalgie, camarade

2062ème représentation de Mignon à l’Opéra Comique. Quel succès ! Mais seules nos grands-mères s’en souviennent. Créé en 1866, l’ouvrage fête sa centième huit mois plus tard, sa millième en 1894, sa deux-millième en 1955. Puis, assez vite, plus rien. On en veut à Ambroise Thomas d’avoir ravalé Goethe (Les Années d’apprentissage de Wilhelm Meister) au rang d’un auteur de gare, d’avoir déposé de la musique facile le long de (ce qu’il reste de) ses vers, d’avoir même inventé un happy end pour « ne pas se priver de 700 ou 800 représentations supplémentaires ». Le reproche n’est pas nouveau : en 1893, Debussy traînait dans la boue ses confrères Gounod et Massenet, qui avaient transformé Faust et Werther en romances pour boutiquiers. Aujourd’hui, ce n’est plus au mélomane petit bourgeois que l’on s’adresse, mais au philologue : comme à l’époque, on joue la version originale avec textes parlés, l’orchestre est tourné vers la scène - ce qui fait que François-Xavier Roth dirige face au public - et le happy end est conservé, alors que Thomas lui-même a composé une version alternative plus conforme à Goethe. Comme la mise en scène de Jean-Louis Benoit dépoussière la tradition sans la jeter aux orties, comme la direction est alerte et que la distribution frôle le sans faute, cela fonctionne, et ces trois heures de roman feuilleton lyrique passent sans trop se faire sentir. Traité ainsi, ce Mignon d’un autre âge vaut bien des fadaises qui n’ont jamais quitté le répertoire, et l’Opéra Comique honore son cahier de charges. A l’opéra, la nostalgie n’a jamais fini de faire recette.

François Lafon

Ambroise Thomas : Mignon. Avec Marie Lenormand, Ismael Jordi, Malia Bendi-Merad, Nicolas Cavallier. Chœur Accentus, Orchestre Philharmonique de Radio France, François-Xavier Roth (direction), Jean-Louis Benoit (mise en scène). A l’Opéra Comique, Paris, les 12, 14, 16, 18 avril.

Crédit photo : Elisabeth Carecchio

1 commentaire:

  1. Comme la mise en scène de Jean-Louis Benoit dépoussière la tradition

    ???

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