vendredi 2 avril 2010

Organum à Blagnac : le rituel de la musique ancienne

Présenter la musique ancienne n’est jamais facile : faut-il se contenter du cadre neutre mais anachronique du concert « classique » ou essayer de recréer l’atmosphère dans laquelle pour laquelle ces œuvres ont été pensées ? Pour Marcel Pèrés seule une mise en contexte peut donner toute sa force à un Requiem de la Renaissance. Aux Rencontres des Musiques anciennes de Blagnac, à deux pas de Toulouse, le fondateur de l’Ensemble Organum propose, mieux qu’une mise en scène, un vrai rituel. Les membres de l’Ensemble (pas d’habit, mais un sobre costume noir) arrivent en procession dans l’église de Blagnac non pas pour se mettre face au public, mais pour lui tourner le dos et offrir leur visage à l’autel. Comme les chantres des chapelles médiévales, ils lèvent tous la tête vers le codex (avec la notation d’époque) posé sur le lutrin et lu presque à la lumière des cierges allumés un peu partout. En officiant plus qu’en chef, Marcel Pérès tourne lui-même les gigantesques pages et n’hésite pas à faire la lecture des Evangiles psalmodiant en latin le texte. Seul détail incongru, la présence de quatre sopranos, pas vraiment les bienvenues dans les chapelles médiévales. Du coup, on n’est plus au concert, on est vraiment à l’office pour entendre le Requiem d’Antonius Divitis, alias Antoine Le Riche, compositeur flamand (vers1475-vers 1530) quasiment oublié, qui a trouvé avec Marcel Pérès son champion. Rien n’est fait pour faire briller l’art des chanteurs, pardon, des chantres, qui avec leur intonation nasillarde et rauque font plutôt penser à un ensemble corse (de fait la moitié des membres d’Organum ont été recrutés sur l’île) mais tout pour recréer l’atmosphère d’une chapelle médiévale. La musique de Divitis, elle, se déploie avec une superbe grandeur, mais le vrai miracle de cette célébration se produit quand, en fin de programme, on entend les premières notes de la Déploration sur la mort d’Ockeghem de Josquin Desprez et les voix se libèrent enfin pour ce pur chef d’œuvre.
Pablo Galonce
Blagnac, le 22 mars. www.odyssud.com

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