vendredi 12 février 2010

Stephen Hough ou la gaytitude du pianiste

Message sur le site du pianiste anglais Stephen Hough : « En écoutant votre enregistrement des deux Valses énigmatiques dont vous êtes l’auteur, le terme homosexualité m’est venu à l’esprit ». Hough, qui est gay et ne s’en cache pas, répond en citant la boutade de Vladimir Horowitz : « Il y a trois sortes de pianistes : les juifs, les homosexuels et les mauvais ». Il se demande ensuite s’il est possible d’opposer des pianistes comme Horowitz, Sviatoslav Richter et Shura Cherkassky à Arthur Rubinstein, Emil Guilels et Rudolf Serkin, les trois premiers, bien que mariés, n’ayant pas la réputation d’avoir été des hommes à femmes. Il ne va pas, en revanche, jusqu’à se demander si la judéité d’Horowitz ou de Rubinstein s’entend dans leur manière de jouer les Mazurkas de Chopin, ni, a fortiori, si aucun de ces géants du clavier a réuni les trois particularités. Dans les cent-cinquante-trois commentaires qu’a jusqu’ici suscités l’article de Hough, les internautes se déchaînent. On se pose des questions sur le lesbianisme présumé de Dame Myra Hess (1890-1965), on disserte sur la masculinité latente de Martha Argerich, on cite Oscar Wilde, et l’on remarque que dans son film Richter l’insoumis, Bruno Monsaingeon évite de préciser les préférences sexuelles de l’artiste. Tout cela fait froid dans le dos, non ? Par bonheur, personne n’a relevé que c’est en jouant ses propres œuvres que Hough a mis la puce à l’oreille de son sagace auditeur. On échappe ainsi aux considérations sur l’homosexualité coupable qui irrigue la Symphonie « Pathétique » de Tchaikovski ou la gaytitude transcendée de Szymanowski dans Le Roi Roger. Dans Contre Sainte-Beuve, Marcel Proust, conteste l’idée que l’œuvre est le reflet de la vie : « L'homme qui fait des vers et qui cause dans un salon n'est pas la même personne », affirme-t-il. Mais chacun sait que Proust était juif et homosexuel.

Crédit Photo: Eric Richmond

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