mercredi 24 février 2010

L’autre Dumas. Et si Depardieu était chanteur d’opéra ?


Ici, la polémique Dumas-Depardieu fait rage. En Amérique, où Depardiou est une star, elle étonne. Puisqu’aucun acteur français de couleur n’est bankable, pourquoi se priver d’une tête d’affiche ? On ne saurait être plus pragmatique. Et d’ailleurs, si le rôle avait échu à un acteur blanc mais moins connu, la polémique aurait-elle eu lieu ? Francis Perrin a joué pendant deux ans la pièce dont le film est tiré, et personne n’y a rien trouvé à redire. Ce qu’on remarque moins, c’est qu’au nom des grands principes, on en vient à nier l’art même de l’acteur, qui consiste justement à amener le spectateur à croire qu’il est ce qu’il n’est pas. Imaginez le monde de l’opéra saisi par la même bien-pensance. Plus d’Aida blanche passée au brou de noix, telle Sophia Loren (doublée par Renata Tebaldi) dans le film de Clemente Fracassi (1953). Et ne parlons même pas d’Otello, bien que l’Opéra de Birmingham ait, à l’automne dernier, fondé sa publicité sur le fait que, pour la première fois au Royaume-Uni, le rôle du Maure était chanté par un vrai noir ! On se rappelle les propos persifleurs de Franco Zeffirelli au sortir de la projection de La Bohème de Luigi Comencini (1988), avec Barbara Hendricks en Mimi. Daniel Toscan du Plantier, le producteur du film, avait pris la peine d’expliquer qu’au XIXème siècle, quelques filles des îles venaient tenter leur chance en métropole, mais la majorité des commentateurs avait renvoyé Zeffirelli à ses chères études. On ne sait pas, en revanche, si celui-ci s’était fendu d’une plaisanterie politiquement incorrecte lorsque la soprano afro-américaine Martina Arroyo avait chanté Madame Butterfly au MET de New York (1970), avec kimono à fleurs et aiguilles à tricoter dans les cheveux. Au début des années 1980, le baryton-basse Simon Estes s’était vu refusé le rôle de Wotan à Bayreuth parce qu’il était noir. Il avait en revanche eu le droit d’y chanter le Hollandais du Vaisseau fantôme, sans doute parce qu’il s’agit d’un damné. Là, oui, on peut parler de racisme. Mais aujourd’hui, le Jamaïcain Willard White est acclamé en roi des dieux nordiques, et personne ne s’est offert le ridicule de lui reprocher de voler le rôle à un grand blond.

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