dimanche 4 avril 2010
Hors du grégorien, point de salut. Et Messiaen, alors ?
En zappant, arrêt sur la chaîne catholique KTO (prononcer Katéo). Dom Thomas Diradourian, professeur à la Communauté St Martin, parle de la Liturgie des heures, laquelle incite à adopter le rythme de prière de la vie monastique. « Le chant grégorien, dit-il en substance, est la musique de la prière, car c’est celle qui laisse le moins d’espace entre la parole divine et le chant ». Et de citer Saint Augustin (« Quand la parole se termine, le chant commence ») pour ajouter que c’est sa simplicité qui fait de cette musique le portail de l’harmonie céleste : « Jordi Savall, qui aime faire voisiner dans ses concerts les harmonies d’ici et d’ailleurs, m’a conforté dans l’idée que ce sont partout les formes les plus primitives, les plus répétitives de la musique qui sont utilisées à des fins de prière ». Soit. La suite est moins claire : « Imaginez l’architecte de Notre-Dame de Paris regardant les plans d’une église moderne. Ne serait-il pas tenté de penser qu’il a tout compris avant les autres ? On ne pourrait le contredire, tout en tenant compte de sa compréhensible difficulté à apprécier la noblesse de la modernité ». En bref - et compte tenu de la « noblesse de la modernité » - la beauté parfaite (donc divine) est dans le grégorien, comme elle est dans la nef et les tours de Notre-Dame. Cela induit qu’en se complexifiant, la musique a perdu sa vertu première, qui est l’accès à l’indicible. Mais Notre-Dame n’a déjà plus grand-chose à voir avec la simplicité du grégorien. Et Bach, avec ses harmonies compliquées ? Et Mozart, qui intercale de véritables airs d’opéra dans sa Messe en ut ? Et Bruckner le mystique, dans ses symphonies répétitives autant que contemplatives ? Et Olivier Messiaen, qui recherche les Couleurs de la Cité céleste en empilant savamment litanies et chants d’oiseaux ? Tout autant que ceux de la providence, les desseins de l’art sont, aurait dit Borges, un jardin aux sentiers qui bifurquent.
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samedi 3 avril 2010
Avec Angelin Preljocaj et Bruno Mantovani, Siddharta cherche le nirvana
Dans son film Rencontres avec des hommes remarquables, sorti en 1979, Peter Brook s’est heurté à un écueil de taille : comment montrer une ascension spirituelle ? C’est le même problème qui s’est posé à Angelin Prejlocaj dans son ballet Siddharta à l’Opéra Bastille. Tout en affirmant sa foi en la possibilité du corps dansant d’être à la fois matériel et spirituel, il s’est entouré de solides collaborateurs : le musicien Bruno Mantovani, le plasticien Claude Lévêque, ainsi que le romancier Eric Reinhardt, lequel a fourni l’idée de donner des traits féminins à cet Eveil que le prince Siddharta, dans l’Inde ancienne, doit atteindre pour accéder au statut de Bouddha. Malgré tous ces talents, malgré de belles images, comme cette maison bobwilsonnienne suspendue en l’air et dépourvue d’épaisseur, le public s’enfonce dans la torpeur à mesure que le héros sort de la sienne. Les corps bougent bien, mais on a l’impression que Prerljocaj hésite entre narration et abstraction, et que cela le bride : « Heureusement que j’ai lu l’argument avant », disait une spectatrice à la sortie. La musique s’en sort mieux : Mantovani convoque ses prédécesseurs Stravinsky et Bartok, fait son miel de tous les rythmes et timbres légués par le XXème siècle et en dégage un langage qui n’est qu’à lui. Significativement, c’est quand la musique est le plus inspiré que la danse prend son envol. A moins que ce ne soit le contraire. Peut-être que la direction boulezienne de Susanna Mälkki, la directrice de l’Ensemble Intercontemporain, n’est pas étrangère à cela.
François Lafon
Opéra National de Paris – Bastille, les 2, 4, 6, 7, 9, 11 avril
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Opéra de Paris
vendredi 2 avril 2010
Organum à Blagnac : le rituel de la musique ancienne
Présenter la musique ancienne n’est jamais facile : faut-il se contenter du cadre neutre mais anachronique du concert « classique » ou essayer de recréer l’atmosphère dans laquelle pour laquelle ces œuvres ont été pensées ? Pour Marcel Pèrés seule une mise en contexte peut donner toute sa force à un Requiem de la Renaissance. Aux Rencontres des Musiques anciennes de Blagnac, à deux pas de Toulouse, le fondateur de l’Ensemble Organum propose, mieux qu’une mise en scène, un vrai rituel. Les membres de l’Ensemble (pas d’habit, mais un sobre costume noir) arrivent en procession dans l’église de Blagnac non pas pour se mettre face au public, mais pour lui tourner le dos et offrir leur visage à l’autel. Comme les chantres des chapelles médiévales, ils lèvent tous la tête vers le codex (avec la notation d’époque) posé sur le lutrin et lu presque à la lumière des cierges allumés un peu partout. En officiant plus qu’en chef, Marcel Pérès tourne lui-même les gigantesques pages et n’hésite pas à faire la lecture des Evangiles psalmodiant en latin le texte. Seul détail incongru, la présence de quatre sopranos, pas vraiment les bienvenues dans les chapelles médiévales. Du coup, on n’est plus au concert, on est vraiment à l’office pour entendre le Requiem d’Antonius Divitis, alias Antoine Le Riche, compositeur flamand (vers1475-vers 1530) quasiment oublié, qui a trouvé avec Marcel Pérès son champion. Rien n’est fait pour faire briller l’art des chanteurs, pardon, des chantres, qui avec leur intonation nasillarde et rauque font plutôt penser à un ensemble corse (de fait la moitié des membres d’Organum ont été recrutés sur l’île) mais tout pour recréer l’atmosphère d’une chapelle médiévale. La musique de Divitis, elle, se déploie avec une superbe grandeur, mais le vrai miracle de cette célébration se produit quand, en fin de programme, on entend les premières notes de la Déploration sur la mort d’Ockeghem de Josquin Desprez et les voix se libèrent enfin pour ce pur chef d’œuvre.
Pablo Galonce
Blagnac, le 22 mars. www.odyssud.com
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jeudi 1 avril 2010
Treemonisha de Scott Joplin au Châtelet : ragtime et lendemains qui chantent
Au Châtelet, escalade dans l’éducation du public français au répertoire américain. Après La Mélodie du bonheur (facile) et A Little Nigt Music (déjà plus élitiste), voici Treemonisha. Le titre n’est pas vendeur, et seul le nom du compositeur, Scott Joplin, éveille un quelconque souvenir, où se mélangent ragtime et BO du film L’Arnaque. Il s’agit en fait du premier opéra noir (1911, vingt-trois ans avant Porgy and Bess de Gershwin), un OVNI lyrique monté une seule fois – et dans des conditions semi-amateurs – du vivant de Joplin, et oublié jusqu’en 1972. Pour donner ses chances à l’ouvrage, qui n’a bien sûr jamais été donné en France, quelques noms à l’affiche : Willard White (le Wotan de Simon Rattle à Aix-en-Provence), Grace Bumbry (soixante-treize ans et toute sa voix), et la chorégraphe Bianca Li, secondée par le plasticien et dramaturge Roland Roure. Le livret est mal ficelé, la musique oscille entre ragtime forcené et opéra italien balayé par le vent des champs de coton, et le propos a vieilli, puisqu’il s’agit de montrer à la communauté noire à peine sortie de l’esclavage que c’est dans l’éducation (personnifiée par une enfant trouvée, choyée par des noirs mais instruite par une institutrice blanche) que réside l’espoir de lendemains qui chantent. Comme l’impression d’assister à un proto-opéra est accentuée par l’aspect BD du spectacle, on peut n’en retenir que le côté entertainment (Ah, ces noirs, quel rythme !), et pourtant on sent que c’est quelque chose de beaucoup plus important qui nous est montré là, comme l’obscure prémonition qu’il faudra tout un siècle pour commencer à changer le monde.
François Lafon
Au Théâtre du Châtelet, Paris, les 2, 4, 6, 8 et 9 avril à 20h.
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mercredi 31 mars 2010
Quand les Sacqueboutiers de Toulouse rencontrent les Clément Janequin
La Renaissance est leur royaume, mais à chacun sa spécialité : la musique vocale pour l’ensemble Clément Janequin de Dominique Visse, les instruments à vent pour Les Sacqueboutiers de Toulouse de Jean-Pierre Canihac. Pour les réunir, ce concert des Rencontres des Musiques Anciennes de Blagnac : autour de Rabelais, des extraits de Gargantua offrent un canevas aux musiques de Clément Janequin, Lassus ou Sermisy. Pour Dominique Visse et ses acolytes, rien de nouveau, c’est le répertoire qu’ils cultivent depuis leur création. La nouveauté ici c’est justement qu’ils sont rejoints par les instruments des Sacqueboutiers, un cornet à bouquin, une chalémie (l’ancêtre du hautbois), une saqueboute (grand-père du trombone), un basson, plus une organiste/claveciniste et un percussionniste.
Sur la scène, les musiciens des Sacqueboutiers, tout de noir habillés, sont derrière les cinq chanteurs des Clément Janequin, vêtus, eux, d’un simple habit de moine, pieds nus. Un comédien, habillé, lui, comme le fou du Roi, est chargé de lire les textes. C’est un mélange inattendu : au XVIè siècle, les « hauts » instruments à vent sont utilisés pour accompagner la musique des offices ou les grands occasions, pas pour mettre de la couleur dans les chansons polyphoniques. Tout ceci est parfaitement « inauthentique » mais musicalement complètement réussi. Grâce a ces subtiles combinaisons entre voix et instruments, ce concert-lecture est bien plus qu’une simple farce gargantuesque (même si on rit beaucoup) une vraie découverte musicale. On découvre que les quatre instruments « hauts » ne servent pas uniquement à donner de la voix, mais qu’ils sont aussi capables de chanter, de chuchoter, de caresser. Comme soutien des voix, ils savent se fondre dans le style si particulier des Janequin et trouver même une dimension comique dans leur jeu. Pour chaque page, un accompagnement sur mesure, sauf pour la Chasse de Janequin où aucun instrument peut rivaliser avec le génie des Janequin pour traduire ce festival d’onomatopées et d’effets spéciaux.
Blagnac, le 21 mars. www.odyssud.com
Crédit photo : (c) Patrice Nin
Sur la scène, les musiciens des Sacqueboutiers, tout de noir habillés, sont derrière les cinq chanteurs des Clément Janequin, vêtus, eux, d’un simple habit de moine, pieds nus. Un comédien, habillé, lui, comme le fou du Roi, est chargé de lire les textes. C’est un mélange inattendu : au XVIè siècle, les « hauts » instruments à vent sont utilisés pour accompagner la musique des offices ou les grands occasions, pas pour mettre de la couleur dans les chansons polyphoniques. Tout ceci est parfaitement « inauthentique » mais musicalement complètement réussi. Grâce a ces subtiles combinaisons entre voix et instruments, ce concert-lecture est bien plus qu’une simple farce gargantuesque (même si on rit beaucoup) une vraie découverte musicale. On découvre que les quatre instruments « hauts » ne servent pas uniquement à donner de la voix, mais qu’ils sont aussi capables de chanter, de chuchoter, de caresser. Comme soutien des voix, ils savent se fondre dans le style si particulier des Janequin et trouver même une dimension comique dans leur jeu. Pour chaque page, un accompagnement sur mesure, sauf pour la Chasse de Janequin où aucun instrument peut rivaliser avec le génie des Janequin pour traduire ce festival d’onomatopées et d’effets spéciaux.
Pablo Galonce
Blagnac, le 21 mars. www.odyssud.com
Crédit photo : (c) Patrice Nin
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lundi 29 mars 2010
Martha Argerich, reine du mystère
Une biographie, c’est en soi un exercice de haute voltige. Mais quand il s’agit de la biographie d’un interprète, le risque est décuplé. Quel plan adopter ? Quelle méthode suivre ? Impossible de jongler avec le schéma vie-œuvre (ne serait-ce que pour le refuser), comme pour un écrivain ou un compositeur. Dans Martha Argerich, l’Enfant et les sortilèges, Olivier Bellamy esquive habilement les précipices. Qu’est-ce qui fait de Martha Argerich une artiste à part ? Sa façon de jouer du piano, d’abord, sa vie ensuite, ou le contraire ? La vie, ce livre la détaille période par période, on serait tenté d’écrire acte par acte. Tout y est, plaisamment raconté, avec des détails qui serviront de références, car la dame est une reine de l’esquive, et ne se laisse surprendre que par quelques élus prêts à la suivre dans ses errances. Comme sa vie est un roman, comme ses rencontres et tribulations sont à la hauteur de sa personnalité, on ne s’ennuie pas. Les fans apprécieront, et même se délecteront. Les autres liront cela comme un roman, justement, sans trop s’arrêter à tout ce qui nécessite une bonne connaissance préalable des milieux de la musique en général et du piano en particulier. C’est pour eux, probablement, que l’auteur multiplie les superlatifs, comme pour bien indiquer que tous les acteurs de cette histoire sont des oiseaux rares. Une fois le livre refermé, vient la double question : en quoi cette artiste est plus intéressante qu’une autre, en quoi mérite-t-elle qu’on lui consacre une telle somme ? Là, il faut écouter les disques, ou – mieux dans le cas de cette grande instinctive – aller l’écouter en live. En fait, ce genre de livre sert à cela : entretenir le mystère.
Martha Argerich, l’Enfant et les sortilèges, par Olivier Bellamy. Buchet-Chastel - 272 pages, 23 euros.
François Lafon
Martha Argerich, l’Enfant et les sortilèges, par Olivier Bellamy. Buchet-Chastel - 272 pages, 23 euros.
Jean-Efflam Bavouzet, un pianiste qui ne se la joue pas
Quand il joue du piano, Jean-Efflam Bavouzet ne se la joue pas. C’est l’impression que l’on a en sortant du Théâtre de la Ville, où il vient de donner un récital à haut risque. Au programme, trois morceaux de bravoure que n’aurait pas désavoués Sviatoslav Richter : la 31ème Sonate de Haydn, un de ces chefs-d’œuvre qui - comme le disait Richter - n’a l’air de rien mais va tellement plus loin que les pièces pour clavier de Mozart, Gaspard de la Nuit de Ravel et la redoutable 6ème Sonate de Prokofiev, créée sous les doigts d’acier du compositeur et défendue par … Richter, qui y déployait son écrasante virtuosité. Bavouzet, lui, intrigue son public avec Haydn, le terrifie avec Ravel et l’anéantit avec Prokofiev. La salle, bondée, en redemande, et a droit en bis à Reflets dans l’eau de Debussy (alors que Prokofiev, rappelle l’artiste, ne sauvait que Ravel parmi les musiciens français) et à la Toccata de Massenet (mais oui, trois minutes qui en disent plus que Manon tout entier). Le pianiste n’a pas exactement les moyens d’un Richter, mais chaque son qu’il produit respire l’intelligence, la culture, l’humour aussi. Inexplicable, mais évident. On en oublie même la sonorité ingrate du Yamaha (tiens, comme Richter) qu’il a choisi. Comme il ne se la joue pas, mais prend tous les risques et nous entraîne sur son manège fou, il nous console de toutes les vessies médiatiques que l’industrie musicale tente de nous faire prendre pour les lanternes salvatrices.
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samedi 27 mars 2010
La fièvre monte à l’Orchestre de Lyon
« Quand l’amour va, tout va », ce qui n’est pas le cas à Lyon entre le directeur administratif de l’Orchestre National, Laurent Langlois, et son directeur musical, Jun Märkl. On a d’abord cru qu’il s’agissait d’un choc de personnalités, de la rencontre explosive d’un maestro jaloux de ses prérogatives (son arrivée à la tête de l’Orchestre ne s’était pas passée sans remous) avec un patron engagé par la mairie pour dépoussiérer l’institution. Venu de Rouen, Laurent Langlois s’est notamment fait un nom en conférant au festival Octobre en Normandie une aura iconoclaste qui n’était pas pour déplaire aux édiles locaux et nationaux. A Lyon, il a été accueilli comme le Grand Méchant Loup, et s’est apparemment ingénié à mériter ce titre, en imposant ses hommes, en ne regardant pas à la dépense, en faisant passer ses réformes à la hussarde au lieu d’optimiser les forces en présence. Lyon Capitale.fr précise que si le contrat de Jun Märkl est consultable sur Internet, celui de Laurent Langlois ne l’est pas. Ambiance.
Dernier chapitre en date de la guerre des nerfs : l’engagement d’une directrice de la Communication derrière le dos de Märkl, lequel n’a déjà pas apprécié que sa photo sur le programme de la saison prochaine soit remplacée par … la tête de Guignol. Résultat : dépôt d’un recours devant le Tribunal administratif. Bon, ce n’est pas la première fois qu’une bataille de chefs pourrit la vie d’une institution : on se rappelle celle qui a opposé Hugues Gall et Myung-Whun Chung à l’Opéra de Paris, et qui s’est terminée (assez rapidement, heureusement) par le départ du second. Ce sera le cas à Lyon, puisque Märkl n’a pas renouvelé son contrat, qui se termine fin 2011. En attendant, les habitants du quartier de La Part-Dieu vérifient chaque matin si l’Auditorium est toujours debout. On se demande ce que le chef américain Leonard Slatkin, qui avait été approché avant l’arrivée de Langlois pour prendre les rênes de l’Orchestre, pense de tout cela.
Dernier chapitre en date de la guerre des nerfs : l’engagement d’une directrice de la Communication derrière le dos de Märkl, lequel n’a déjà pas apprécié que sa photo sur le programme de la saison prochaine soit remplacée par … la tête de Guignol. Résultat : dépôt d’un recours devant le Tribunal administratif. Bon, ce n’est pas la première fois qu’une bataille de chefs pourrit la vie d’une institution : on se rappelle celle qui a opposé Hugues Gall et Myung-Whun Chung à l’Opéra de Paris, et qui s’est terminée (assez rapidement, heureusement) par le départ du second. Ce sera le cas à Lyon, puisque Märkl n’a pas renouvelé son contrat, qui se termine fin 2011. En attendant, les habitants du quartier de La Part-Dieu vérifient chaque matin si l’Auditorium est toujours debout. On se demande ce que le chef américain Leonard Slatkin, qui avait été approché avant l’arrivée de Langlois pour prendre les rênes de l’Orchestre, pense de tout cela.
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vendredi 26 mars 2010
Drôle de Requiem pour Wolfgang Wagner
« Sans les Wagner et leurs scandales, le festival serait moins drôle», écrit l’historienne autrichienne Brigitte Hamann dans son livre sur Bayreuth et les nazis. Elle résume en tout cas les commentaires parus à l’occasion de la mort de Wolfgang, petit-fils de Richard et directeur du Festival pendant cinquante-sept ans. « S'il aimait se donner des airs de paysan bavarois, parlant une sorte de patois franconien qui plongeait le germanophone le plus aguerri dans des abîmes de perplexité, il était aussi un homme rusé et très cultivé. Il sut ainsi ouvrir Bayreuth à la modernité en osant recruter dès 1969 des metteurs en scène en dehors de la famille Wagner », consent Christian Merlin dans Le Figaro. On ne trouve ailleurs que fustigation de son despotisme, et rappel de la guerre de succession qui a fini, de son vivant même, par mener deux de ses filles de lits différents (Eva et Katharina) à la tête de l’entreprise familiale. Dans son blog Slipped Disc (Hernie discale), le critique anglais Norman Lebrecht perd toute mesure : « La mort de Wolfgang Wagner, annoncée dimanche soir, met fin à Bayreuth à une ère post-guerrière presque aussi déplaisante que le nazisme ». Quant à l’animatrice du blog déjanté Opera Chic, elle frappe elle aussi très fort, mais avec plus de finesse, en faisant suivre une citation de Lebrecht d’un extrait de l’Adagio de la Septième Symphonie de Bruckner sous la baguette de Wilhelm Furtwängler, la musique diffusée par Radio Berlin à l’annonce de la mort d’Hitler. Ce que l’on reproche avant tout à Wolfgang, c’est d’avoir survécu plus de quarante ans à son frère Wieland, lequel avait lui aussi sauté sur les genoux du Führer, mais possédait beaucoup plus de talent comme metteur en scène, et par là même avait davantage contribué à rendre de nouveau fréquentable l’œuvre de leur grand-père. Dans La Tétralogie, un des géants qui ont construit le Walhalla tue son frère pour ne pas avoir à partager l’Or du Rhin avec lui. Allez faire comprendre aux wagnériens que le monde selon leur idole n’est qu’un délire d’artiste.
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jeudi 25 mars 2010
John Cage à l’Ircam : 4’33’’ qui ont changé le monde
En 1967, dans sa pièce Le Silence, Nathalie Sarraute met en scène un homme qui ne dit rien, ce qui provoque une véritable panique dans son entourage. Quinze ans plus tôt, John Cage compose 4’33’’, une pièce en trois mouvements pour « n’importe quel instrument, ou combinaison instrumentale », puisqu’elle est totalement silencieuse. La panique initiale débouchera sur un déluge de commentaires oraux et écrits, que l’Ircam prolonge le 25 mars au Centre Pompidou en soumettant au jeu des portraits chinois ces presque cinq minutes parmi les plus tonitruantes de l’histoire de la (non) musique. Des compositeurs (Bruno Mantovani, James Dillon, Roque Rivas) présentent des œuvres s’inscrivant dans la postérité du chef-d’oeuvre, tandis que des philosophes (Elie During, Bastien Gallet), des historiens et des écrivains planchent sur des « pistes » qui déboucheront sur des exposés en trois mouvements, et d’une durée de quatre minutes et trente-trois secondes. Parmi les sujets, on relève : « 4’33’’ est un tube qui est dans toutes les têtes », « 4’33’’ est une oeuvre écologique », « 4’33’’ est une œuvre idiote », « 4’33’ est une oeuvre queer », 4’33’ est une prière », « 4’33’’ est une plaisanterie sérieuse », ou « 4’33’’ n’existe pas ». Les organisateurs ne manquent décidément pas d’humour, puisque l’opération est intitulée : « 4’33’’ après J.C ».
Le 25 mars au Centre Georges Pompidou. 19 h : Rencontre « 4’33’’ : portrait chinois » - 20h30 : Concert : créations de Carlos Caires, James Dillon, Bruno Mantovani, Christian Marclay et Roque Rivas. Ensemble Remix, Peter Rundel (dir.)
Le 25 mars au Centre Georges Pompidou. 19 h : Rencontre « 4’33’’ : portrait chinois » - 20h30 : Concert : créations de Carlos Caires, James Dillon, Bruno Mantovani, Christian Marclay et Roque Rivas. Ensemble Remix, Peter Rundel (dir.)
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