lundi 29 mars 2010

Jean-Efflam Bavouzet, un pianiste qui ne se la joue pas

Quand il joue du piano, Jean-Efflam Bavouzet ne se la joue pas. C’est l’impression que l’on a en sortant du Théâtre de la Ville, où il vient de donner un récital à haut risque. Au programme, trois morceaux de bravoure que n’aurait pas désavoués Sviatoslav Richter : la 31ème Sonate de Haydn, un de ces chefs-d’œuvre qui - comme le disait Richter - n’a l’air de rien mais va tellement plus loin que les pièces pour clavier de Mozart, Gaspard de la Nuit de Ravel et la redoutable 6ème Sonate de Prokofiev, créée sous les doigts d’acier du compositeur et défendue par … Richter, qui y déployait son écrasante virtuosité. Bavouzet, lui, intrigue son public avec Haydn, le terrifie avec Ravel et l’anéantit avec Prokofiev. La salle, bondée, en redemande, et a droit en bis à Reflets dans l’eau de Debussy (alors que Prokofiev, rappelle l’artiste, ne sauvait que Ravel parmi les musiciens français) et à la Toccata de Massenet (mais oui, trois minutes qui en disent plus que Manon tout entier). Le pianiste n’a pas exactement les moyens d’un Richter, mais chaque son qu’il produit respire l’intelligence, la culture, l’humour aussi. Inexplicable, mais évident. On en oublie même la sonorité ingrate du Yamaha (tiens, comme Richter) qu’il a choisi. Comme il ne se la joue pas, mais prend tous les risques et nous entraîne sur son manège fou, il nous console de toutes les vessies médiatiques que l’industrie musicale tente de nous faire prendre pour les lanternes salvatrices.

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