mercredi 30 septembre 2009

Versailles, un théâtre comme les autres


Attention, fragile ! Chaque fois que l’on mettait les pieds à l’Opéra Royal du château de Versailles, on nous rappelait que cette bonbonnière géante était tout en bois, et que la moindre surcharge faisait encourir le pire à une machinerie qui relevait de la pièce de musée. On s’en voulait presque, en assistant aux Grandes Journées annuelles de Centre de Musique Baroque, de contribuer à la dégradation d’un des plus précieux joyaux du patrimoine national. Eh bien, tout cela est terminé. Au terme de trois années de travaux, le chef-d’oeuvre de Gabriel (1770) est devenu un théâtre comme les autres. La programmation, vantée par Jean-Jacques Aillagon, directeur de l’Etablissement public de Versailles, en fait foi : on y verra la Trilogie de Mozart et Da Ponte, la chorégraphie imaginée par le danseur Joan Cruz de Garaio Esnaola sur Les Quatre Saisons de Vivaldi (déjà disponible en DVD chez Harmonia Mundi), Le Bourgeois Gentilhomme dans la version archéologique de Benjamin Lazar et Vincent Dumestre, Le Malade imaginaire avec Michel Bouquet, qui a fait les beaux soirs du Théâtre de la Porte Saint Martin la saison dernière, et même un récital de la chanteuse Camille. Une MJC en talons rouges, en somme, recyclant des spectacles déjà vus. Le bel endormi subit désormais la loi commune des théâtres : comme un violon, il s’abîmera si l’on ne s’en sert pas. La magie y survivra-t-elle ?

L’effet contraire

Tiens, un centre commercial. Tiens, mais c’est La Bohème. La Bohème dans un centre commercial ? Mardi 29 septembre, Arte nous offre, en direct de Bâle, l’opéra de Puccini dans une version démocratique. Les chanteurs, munis d’un micro HD et reliés à l’orchestre par écouteur, évoluent comme tout un chacun, sauf qu’ils sont en costumes 1900, ce qui fait bizarre quand ils se retrouvent au MacDo pour fêter Noël. L’expérience - qui a l’air a priori moins incongrue que celle de La Traviata à la gare de Zürich tentée par Arte l’année dernière  – serait presque réussie si Rodolphe chantait juste et Mimi en mesure (problèmes de micros, certainement).


Mais voilà que la chanteuse chargée du rôle de Musette fend la foule et se livre, tout en détaillant sa « Valse », à une démonstration exhaustive de tout ce qu’il ne faut plus faire à l’opéra : œillades appuyées, coups de rein aguicheurs, pâmoisons dans les bras des messieurs mûrs qui se trouvent là. On dirait que cette Bohème ne descend dans la rue que pour convaincre le bon peuple que l’opéra, ce n’est pour lui. Au moins ledit peuple (des figurants, peut-être) a-t-il gentillesse de ne pas siffler, ce que le public huppé n’aurait pas manqué de faire (quoique…). Les téléspectateurs, eux, sont conviés à visionner le spectacle sur Internet, en confectionnant eux-mêmes leur montage. Sitôt dit, sitôt fait : en lieu et place de Mimi toussant sur un parking, la contemplation du pont d’autoroute surplombant le décor donne à tout cela un petit côté Marguerite Duras. Détruire l’opéra, dit-elle ...

mardi 29 septembre 2009

Question de générations

Un beau dimanche de septembre. Terrasses bondées, promeneurs béats. La salle Pleyel est bondée, elle aussi. L’effet soleil n’agit pas sur les concerophages. Au programme, Valéry Gergiev et le London Symphony Orchestra. La machine orchestrale est huilée, La Mer de Debussy huileuse. A l’entracte, un confrère  résume la situation : voilà une Mer karajanesque. Traduction : cela coule davantage que cela ne scintille. Seconde partie : la 8ème Symphonie de Chostakovitch. Crescendos énormes, ostinatos déments, coups de cymbales comme dans L’Homme qui en savait trop (l’attentat en moins). Le même confrère à la sortie : « cette fois, c’était bernsteinien ». Entre soi, on se comprend. Tu te rappelles, Karajan et Bernstein (pas ensemble, ils se détestaient) ici même ? C’était le bon temps. Le fils du confrère met le holà : « Moi, je n’y étais pas. Herr von K. et Mr B., je ne les connais que sur disque, et ça ne fait pas le même effet ». Lui aussi a trouvé la Mer huileuse et sunserround la Symphonie de Chostakovitch, lui aussi est impressionné par l’orchestre. Son père a le dernier mot : « le problème avec les jeunes, c’est qu’ils manquent de références ».

samedi 19 septembre 2009

Le choix de Roberto

Qui se souvient d’Il était une fois Jean-Sébastien Bach, réjouissant nanar sorti en 2003, avec Christian Vadim dans le rôle du Cantor ? Cette fois, c’est à Wagner que s’attaque son réalisateur Jean-Louis Guillermou, ou plutôt à une nommée Lili, une caissière de supermarché fan du Maître de Bayreuth. Dans ce nouvel opus logiquement intitulé Wagner et Lili, c’est Jean-François Balmer qui incarne le grand homme tel que le rêve la caissière, tandis que Robin Renucci est Liszt. Pourquoi pas ? Plus étonnant est le choix de Stéphane Bern pour être Louis II de Bavière. Mais tout est possible, puisque c’est Arielle Dombasle qui endosse la blouse de Lili la caissière. Il y a même Roberto Alagna en guest star, incarnant Joseph Tichatschek, le ténor favori de Wagner, interprète de Rienzi, Lohengrin et Tannhäuser. En prenant la relève de ses illustres aînés (Georges Thill, Tito Schipa, Luciano Pavarotti et bien d’autres ont fait du cinéma), notre gosier d’or national annonce-t-il subtilement qu’il compte s’orienter vers le répertoire germanique ?

vendredi 18 septembre 2009

Archives bien ordonnées

A quoi sert la série Musique en images, créée en il y a vingt ans par Christian Labrande, à l’Auditorium du Musée de Louvre, maintenant que l’on trouve à peu près tout en DVD ou, mieux encore, sur Internet ? Peut-être à classer ce qui ailleurs est inclassable, à retrouver l’impression de rareté qui fait les délices de l’amateur, le tout sur un écran de cinéma, un grand écran qui vous domine, comme dirait Jean-Luc Godard, et non une télévision posée par terre. Pour "Fortune de Gustav Mahler", du 19 au 27 septembre, Henry-Louis de La Grange, pour qui l’auteur du Chant de la Terre n’a pas de secrets, a retrouvé des documents incroyables : une interview d’Anna Mahler réglant ses comptes avec sa mère Alma, Glenn Gould accompagnant la monumentale contralto Maureen Forrester, Maurice Béjart faisant travailler à Jorge Donn sa chorégraphie de la 5ème Symphonie, et même, clin d’œil réservé aux happy few, Willem Mengelberg dirigeant en 1931 l’Adagietto de L’Arlésienne de Bizet, dont Mahler s’est inspiré pour l’Adagietto de ladite 5ème. Le reste est à peine moins alléchant.

mercredi 16 septembre 2009

Tendance lourde

« Aux Etats-Unis, en particulier, on voit trop de chanteurs souffrant de surpoids. Notre métier consiste à faire rêver les gens. On n’est pas obligé d’avoir la taille mannequin, mais un chanteur doit avant tout être en forme, et si l’on est trop gros, on ne reste pas en forme très longtemps. En plus, sur scène, c’est horrible. »
Qui met ainsi les pieds dans le plat (c’est le cas de le dire) ? Geneviève de Fontenay sortant du Metropolitan Opera ? Tom Ford s’essayant à la mise en scène lyrique après avoir tâté du cinéma (1) ? Mais non : Natalie Dessay, bien sûr. Même dans le très sérieux Classical Singer Magazine, la French diva tant aimée des Américains ne renonce pas à son franc-parler. A la question : « Cela n’abîme pas la voix, de se faire maigrir ? », elle répond : « Non. Il faut prendre son temps. Si votre surpoids n’est pas d’ordre pathologique, c’est que vous mangez trop. A vous de prendre vos responsabilités. » Boum !
Repris par Operachic, ces propos lui valent des réactions pour le moins épidermiques. On peut lire, entre autres : « Au Volpe Gala, elle avait l’air d’une anorexique. Arrivé à un certain âge, on doit faire attention à ne pas trop maigrir. Le visage se relâche, et le nez et les oreilles prennent toute la place. » Reboum ! Dans le Duo des chats, Rossini n’a même pas eu besoin de mots pour exprimer ce genre de gentillesses.

mardi 15 septembre 2009

La loi du balancier

En juin dernier, Gerard Mortier a quitté la direction de l’Opéra de Paris avec Am Anfang (« Au commencement »), une « installation » du plasticien Anselm Kiefer, où l’on ne chantait ni ne dansait. Le public, bourgeoisement installé dans la salle, n’était même pas censé assister à l’intégralité de l’événement, qui se prolongeait sur les six plateaux coulissants de l’Opéra Bastille. Le sujet ? La mort des idéologies, la quête de la transcendance à travers les gravats de l’expérience humaine, la renaissance après la catastrophe. Trois mois plus tard, Nicolas Joel reprend les rênes de la maison, et, en guise de renaissance, donne Mireille de Gounod dans le cadre symbolique du Palais Garnier. Le passage du relais frise la perfection. « Ouf, Mortier est parti, disent les anciens. Finies les programmations prise de tête, dehors les mises en scène de Christoph Marthaler et de Krzystof Warlikowski. Avec Joel, l’opéra, le vrai, retrouve droit de cité ». « Aie, répliquent les modernes. Gounod et Puccini sont de retour. ».

En fait, il est très fort, Joel. En montant lui-même Mireille façon opéra de grand papa, avec farandoles et folklore provençal, il récupère le public qui a fui l’opéra selon Mortier. Parallèlement, en reprenant à la Bastille le Wozzeck de Berg mis en scène, sous Mortier, par … Marthaler, il montre aux modernes qu’il ne les oublie pas. Et comme il est encore plus fort qu’on ne l’imagine, il peut se glorifier de faire salle comble avec Mireille (diffusé, qui plus est, en léger différé sur France 3 le soir de la première), tandis que Wozzeck se joue devant un parterre clairsemé. Et puis, si vous vous ennuyez en voyant Mireille mourir d’insolation sous le soleil du midi, vous pouvez toujours imaginer la version qu’en aurait donné un metteur en scène branché : transportée dans les quartiers nord de Marseille, cette histoire de loi des pères, de mariage arrangé et de carcan religieux trouverait des résonances tout à fait actuelles. On ne pourrait – hélas ! – pas changer la musique, indigeste à force de vouloir plaire.
Photo : Opéra national de Paris/ A. Poupen

lundi 14 septembre 2009

Eh bien voilà, un blog de plus.


Eh bien voilà, un blog de plus.
Que cherche-t-on dans un blog ? Ce qu’on ne trouve pas ailleurs, ce que la presse ne peut pas écrire, ce que la radio ne peut pas dire, ce que la télévision ne peut pas montrer. Le blogueur ? Un monsieur (ou une dame) qui met les pieds dans le plat. Quel plat ? Tous les plats.
« Quand le blogueur compile ses petites aventures, (…) il le fait avec le sentiment d’être utile à tous », explique méchamment Raphael Enthoven. Et d’ajouter : « Internet est un théâtre dont chaque figurant peut, sans redouter le ridicule, se donner le rôle principal » (1). Le prof de philo chéri des médias veut-il dire que le blogueur jouit d’une totale impunité, pour la bonne raison qu’il n’est utile à rien, qu’il n’existe pas en tant qu’auteur ? Et pourquoi pas ? Un blogueur qui parle de musique, eh bien il parle de musique. Il n’a rien à vendre que ses enthousiasmes et ses coups de cafard. Et comme parler de musique est un autre exercice que d’en faire entendre (pour cela, reportez-vous aux autres rubriques de Musikzen), il est en droit d’attraper l’objet de sa passion par où il veut : le disque, le concert, bien sûr, mais aussi le cinéma, la télévision, la littérature, la publicité, Internet, bref, tout ce qui nous entoure, nous pollue la vie ou la rend un peu plus vivable. La musique est partout, à nous d’aller la chercher.