François Lafon
Au Théâtre du Châtelet, Paris, les 2, 4, 6, 8 et 9 avril à 20h.
jeudi 1 avril 2010
Treemonisha de Scott Joplin au Châtelet : ragtime et lendemains qui chantent
Au Châtelet, escalade dans l’éducation du public français au répertoire américain. Après La Mélodie du bonheur (facile) et A Little Nigt Music (déjà plus élitiste), voici Treemonisha. Le titre n’est pas vendeur, et seul le nom du compositeur, Scott Joplin, éveille un quelconque souvenir, où se mélangent ragtime et BO du film L’Arnaque. Il s’agit en fait du premier opéra noir (1911, vingt-trois ans avant Porgy and Bess de Gershwin), un OVNI lyrique monté une seule fois – et dans des conditions semi-amateurs – du vivant de Joplin, et oublié jusqu’en 1972. Pour donner ses chances à l’ouvrage, qui n’a bien sûr jamais été donné en France, quelques noms à l’affiche : Willard White (le Wotan de Simon Rattle à Aix-en-Provence), Grace Bumbry (soixante-treize ans et toute sa voix), et la chorégraphe Bianca Li, secondée par le plasticien et dramaturge Roland Roure. Le livret est mal ficelé, la musique oscille entre ragtime forcené et opéra italien balayé par le vent des champs de coton, et le propos a vieilli, puisqu’il s’agit de montrer à la communauté noire à peine sortie de l’esclavage que c’est dans l’éducation (personnifiée par une enfant trouvée, choyée par des noirs mais instruite par une institutrice blanche) que réside l’espoir de lendemains qui chantent. Comme l’impression d’assister à un proto-opéra est accentuée par l’aspect BD du spectacle, on peut n’en retenir que le côté entertainment (Ah, ces noirs, quel rythme !), et pourtant on sent que c’est quelque chose de beaucoup plus important qui nous est montré là, comme l’obscure prémonition qu’il faudra tout un siècle pour commencer à changer le monde.
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