dimanche 10 janvier 2010
Du théâtre et des divas
Il n’y a pas si longtemps, à l’époque où l’on enregistrait des opéras entiers en studio, les chanteurs étaient appréciés pour l’adéquation de leur voix à leurs rôles et la façon dont ils interprétaient leurs personnages. Quand ils publiaient des récitals, on les louait pour leur habileté à croquer un caractère en l’espace d’un seul air, c'est-à-dire, là aussi, à se mettre au service de leurs personnages. Puis sont venues les intégrales live, elles-mêmes relayées par les captations en vidéo. Dernier bastion de l’art du studio : l’album, c'est-à-dire le récital sur mesure inspiré des méthodes des variétés. Cecilia Bartoli a ouvert le ban avec son best seller Vivaldi. Habile double jeu : d’un côté la scène où l’on est censé servir une œuvre, de l’autre le disque, où l’on se sert soi-même à travers des extraits judicieusement choisis : Joyce Di Donato dans le répertoire de la Colbran (Madame Rossini), Vivica Génaux dans le Vivaldi guerrier et Magdalena Kozena dans le Vivaldi amoureux, Philippe Jaroussky dans des pages oubliées de Jean-Chrétien Bach, Juan Diego Florez sur les traces du ténor Rubini et Bartoli (encore elle) sur celles de la Malibran. Double bénéfice aussi : on se sert soi-même, mais en faisant œuvre de (re)découvreur. La recette plaît, et au fond, c’est tant mieux. On ne va pas demander aux divas de chanter des choses qui ne leur conviennent pas, ni d’abdiquer leur ego. « Si tant est que l’opéra soit du théâtre …», méditait Patrice Chéreau dans un petit ouvrage inspiré par son aventure bayreuthienne. Du théâtre et des divas. Il faut de tout pour faire un monde.
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