Dès l’avant-propos de son ouvrage De Mozart en Beethoven, essai sur la profondeur en musique (Actes-Sud, 1996), Eric Rohmer se met dans un mauvais cas : « Oui, je l’avoue crûment, je n’aime pas la musique. Je m’applique à l’éliminer de ma vie et de mes films. Elle m’agace, me gêne, me fatigue, n’adoucit nullement, contrairement à l’adage, mes moeurs ni mon humeur. » Il se rattrape à la page suivante : « La musique, pour moi, n’est supportable que si on l’écoute avec la plus extrême attention, de toute son âme et de tout son corps ». Quelques lignes plus tard, il tend aux professionnels de la profession musicale des verges pour le battre : « J’ai essayé d’appliquer au domaine de la musique, où je suis novice, la méthode que j’avais élaborée au cours de ma réflexion sur les grandes œuvres de l’art cinématographique. Ce qui m’intéressait alors de montrer, c’est ce que j’appelais l’invention des formes ». Il se fait éreinter, avec tout le respect que l’on doit au cinéaste de Ma Nuit chez Maud et des Contes moraux, au théoricien de la Nouvelle Vague, à l’artisan des Cahiers du cinéma. Il a beau affirmer en 1983 : « Je pense qu'il y a au monde autre chose que le cinéma, et que le cinéma, au contraire, se nourrit des choses qui existent autour de lui. Le cinéma est même l'art qui peut le moins se nourrir de lui-même. Pour d'autres arts, c'est sûrement moins dangereux. », c’est du cinéma qu’il parle le mieux. C’est pourtant au théâtre, où il a pourtant connu le plus grand four de sa carrière avec La Petite Catherine de Heilbronn de Kleist (monté dans l’enthousiasme de La Marquise d’O, du même Kleist, au cinéma), qu’il fait la paix avec cette musique qui lui pose tant de problèmes. Le Trio en mi bémol, comédie brève en sept tableaux (1988), raconte joliment l’histoire d’un couple qui se retrouve plus sûrement dans les notes de Mozart que dans les mots de la vie quotidienne. Question de formes, toujours.
De Mozart en Beethoven (Actes Sud "Un endroit où aller"), est épuisé), Le Trio en mi bémol (Actes Sud "Papiers") est disponible.
mardi 12 janvier 2010
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