L’impératrice Eugénie et Charles Garnier, devant le nouvel opéra en construction : « Qu’est-ce que c’est que ce style ? Ce n’est ni du grec, ni du Louis XV, pas même du Louis XVI. » « Non, ces styles-là ont fait leur temps. C’est du Napoléon III. Et vous vous plaignez ? ». Le 5 janvier 1875, quand son Palais est enfin terminé, Garnier est toujours là, mais l’empire n’est qu’un souvenir, et c’est Mac-Mahon, président de la république, qui l’inaugure. Seul bémol : on a oublié d’inviter l’architecte, qui doit payer sa place. Le spectacle est copieux : ouverture de La Muette de Portici d’Auber, les deux premiers actes de La Juive d’Halévy, ouverture de Guillaume Tell de Rossini, scène de la Bénédiction des poignards extraite des Huguenots de Meyerbeer, le tout arrosé d’un ballet de Delibes, La Source.
Cent-quatorze ans et cent-quatre-vingt-neuf jours plus tard, le 13 juillet 1989, l’Opéra Bastille est inauguré par François Mitterrand dans le cadre du bicentenaire de la Révolution, en présence de tous les chefs d’état de la planète. On n’a pas oublié d’inviter l’architecte Carlos Ott, mais personne ne se soucie de lui. On n’imagine d’ailleurs pas le président lui demandant de quel style est son monument, et on ne le voit pas répondre : « C’est du Mitterrand ». La principale préoccupation du chef de l’état, ce jour-là, est la longueur du spectacle. Comme il déteste la musique et qu’il craint que ses alter ego ne partagent son aversion, le défilé de stars (Alfredo Kraus, Shirley Verrett, Barbara Hendricks, Plácido Domingo, etc.) réglé par Bob Wilson et intitulé La Nuit avant le jour, ne dure qu’une heure.
Aujourd’hui 5 janvier 2010, cent-trente cinq ans après son ouverture, le Palais Garnier est un des monuments les plus visités de Paris, c’est à dire du monde. On y vient pour le spectacle autant que pour le coup d’œil sur la salle et les foyers. Vingt-et-un an et cent-soixante-seize jours après son inauguration, l’Opéra Bastille, lui, fait son office, sinon d’opéra populaire (utopie de départ), du moins de grande salle aux normes internationales. Rénové par tranches sur une période de quinze ans, le premier est solide comme le pont neuf. Le second, à peine ouvert, a commencé à se fissurer. On attend sa fermeture pour révision générale. Le Palais Garnier a été classé monument historique le 16 octobre 1923. Classera-t-on un jour l’Opéra Bastille ? Et d’ailleurs, tiendra-t-il assez longtemps ?
mardi 5 janvier 2010
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire