mardi 29 décembre 2009

Max Raabe, le terroriste sucré


Drôle de séducteur que Max Raabe, qu’Arte a choisi, le surlendemain de Noël, pour égayer sa tranche culturelle du dimanche matin. Avec son Palast Orchester – smokings, pupitres blancs, éclairages étudiés – Raabe réactive depuis un peu plus de vingt ans le répertoire sentimental germanique et américain d’avant-guerre. Tous ses musiciens sourient, sauf lui, dont la voix sucrée de baryton aigu jure avec son aspect et sa tenue de maître d’hôtel imperturbable. A première vue, ce « à la manière de » est gênant, d’autant que le public de l’Admiral Palasz, à Berlin, est au diapason : jolies dames et beaux messieurs communiant dans le souvenir de leurs grands-parents, qui savaient si gentiment s’amuser en dépit de la dureté des temps. Et puis l’on s’aperçoit que le glacis craque de partout, que sous son air cérémonieux, Raabe est un clone de Joel Grey dans Cabaret, que l’Alabama Song de Brecht et Weill est encore plus détonnant s’il est enrobé du même sirop que Je t'ai donné mon cœur de Franz Lehar, que ce petit ballon dirigeable qui se promène au-dessus du public ravi est peut-être un piège mortel. Les commentaires que Raabe laisse tomber d’une voix lassée sont terribles : « En Amazonie, nous nous retrouvons face à face avec les singes, qui nous ressemblent tant. C’en est vexant. Pour les singes ». Dans la salle, le baryton Thomas Quasthoff hurle de rire. Tous applaudissent poliment. Entre fascination et répulsion, qui choisit quoi ?

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