jeudi 10 décembre 2009

Schubert au restaurant, un rêve américain


Des murs rouges, une cinquantaine de tables, un grand bar : c’est le Poisson Rouge, un restaurant tendance de Greenwich Village, à New York. Au milieu, un piano. Particularité de l’endroit : on y entend du classique. Ce soir, Gabriel Kahane, compositeur et partenaire d’Elvis Costello, chante Schubert, accompagné par le jeune pianiste Jonathan Biss. « C’est dans des lieux comme celui-ci, et pour un public comme le nôtre, que ces Lieder ont été composés », explique-t-il. Un peu plus loin dans le Village, le Fat Cat, un bar pour étudiants, organise des lundis musicaux, et ne désemplit pas.
Ici, l’expérience a été tentée, mais n’a jamais vraiment marché. Les concerts de Lou Landes, un restaurant proche de Montparnasse, ont eu leur heure de gloire, mais on se souvient aussi, dans divers lieux éphémèrement branchés, de ces soupers lyriques qui viraient au fou rire, où la (fausse) serveuse posait son plateau pour chanter La Traviata et où le (non moins faux) barman adressait la Sérénade de Don Giovanni à la dame du vestiaire. Même si les artistes confirmés ne pensaient pas déchoir en allant cachetonner dans des restaurants, adapteraient-ils leur style au lieu ? Les instrumentistes prendraient-ils des airs de jazzmen et les chanteurs s’inspireraient-ils d’Yves Montand dans Les Berceaux de Fauré ? De l’autre côté de l’Atlantique, l’accession au classique est encore un facteur d’ascension sociale, et l’on accepte mieux qu’un artiste se comporte dans un bar comme il le ferait à Carnegie Hall, ou qu’il passe sans complexe de Schubert à Costello.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire