Freud avait beau se déclarer « ganz unmusikalisch » (totalement non-musicien), il n’en avait pas moins compris le fond du problème : « Les œuvres d'art font sur moi une profonde impression, spécialement les oeuvres littéraires et les sculptures, plus rarement les tableaux. J'ai été ainsi amené, dans des occasions favorables, à en contempler longuement pour les comprendre à ma manière, c'est-à-dire saisir par où elles produisent leur effet. Si je ne le puis, par exemple dans le cas de la musique, je suis presque incapable d'en jouir. Une disposition rationaliste, ou peut-être analytique, lutte en moi contre l'émotion quand je ne puis savoir pourquoi je suis ému, ni ce qui m'étreint. » Significativement, il ne pouvait approcher la musique que par le biais de l’opéra et de la mélodie - les seuls genres où les sons font sens – et aimait les chanteuses, classiques ou non : en 1890, venu à Paris assister aux leçons de Charcot à la Salpêtrière, il s’était pris de passion pour Yvette Guilbert, avec laquelle il avait échangé une correspondance nourrie, d’autant que celle-ci avait épousé quelques années plus tard le biologiste viennois Max Schiller. Dix-huit de ces lettres, conservées au Freud Museum de Londres, servent de colonne vertébrale à Je ne sais quoi, le spectacle consacré à Yvette Guilbert par la chanteuse Nathalie Joly et au CD édité pour l’occasion. Le père de la psychanalyse, qui avait interdit à sa sœur Anna de jouer du piano parce que cela rendait les femmes nerveuses et sentimentales, montre à cette occasion qu’il n’en était pas à une contradiction près. « Je suis fermé à la mystique tout autant qu’à la musique », disait-il aussi. Le voilà peut-être, le véritable fond du problème.
Je ne sais quoi, de et avec Nathalie Joly, mise en scène de Jacques Verzier. A La Vieille Grille, 1 rue du Puits-de-l’Ermite, 75005 Paris. A 19h, jusqu’au 31 décembre.
Nathalie Joly chante Yvette Guilbert. 1 CD Seven Zik – Marche la route.
vendredi 25 décembre 2009
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